
Comprendre la loi Girardin en deux minutes chrono
Quand on parle de défiscalisation en France, la loi Girardin fait souvent partie des solutions stars pour les contribuables les plus avisés. Lancée avec la loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 (loi n° 2003-660), elle permet d’obtenir une réduction d’impôt en échange d’un investissement productif ou immobilier dans les Départements et Territoires d’Outre-Mer (DOM-TOM).
La promesse est séduisante : investir dans des projets qui boostent l’économie ultramarine tout en baissant sa facture fiscale de manière significative, et ce dès l’année suivante de l’investissement. Selon le dispositif choisi (industriel ou logement social), le contribuable peut récupérer jusqu’à 120 % de son investissement initial sous forme de réduction d’impôt.
Mais une question cruciale se pose : peut-on profiter de ce dispositif si l’on vit à l’étranger ? Spoiler alert : ce n’est pas si simple.
L’expatriation, oui… mais pas sans condition fiscale
Le point crucial à comprendre ici est le suivant : la défiscalisation en France est étroitement liée au statut fiscal du contribuable. En d’autres termes, ce n’est pas parce que l’on est Français que l’on peut automatiquement bénéficier des réductions d’impôt proposées par la loi Girardin.
Selon l’article 199 undecies B du Code général des impôts (CGI), la réduction d’impôt au titre de la loi Girardin est clairement réservée aux personnes physiques domiciliées fiscalement en France.
Autrement dit, il ne suffit pas d’être Français, il faut aussi être considéré comme fiscalement résident en France au sens de l’article 4 B du CGI. Cela implique :
- Avoir son foyer ou le lieu de séjour principal en France ;
- Exercer en France une activité professionnelle, à moins qu’elle ne soit accessoire ;
- Ou avoir le centre de ses intérêts économiques en France.
Donc, si vous vivez à l’étranger – et que vous avez transféré votre résidence fiscale hors de France – vous sortez a priori du cadre légal pour profiter de la défiscalisation via la loi Girardin.
Cas particulier : les non-résidents partiellement imposés en France
La fiscalité française peut néanmoins réserver quelques surprises. Certains expatriés, bien qu’ayant leur résidence fiscale à l’étranger, conservent des revenus de source française (loyers, salaires, pensions, etc.) et sont donc imposés en France sur ces seuls revenus.
Cela ne suffit cependant pas à ouvrir droit au Girardin. Pourquoi ? Parce que la réduction d’impôt Girardin est uniquement applicable sur l’impôt dû au titre des revenus mondiaux d’un résident fiscal français.
Donc si vous êtes non-résident, vous ne pouvez pas “écraser” vos impôts sur revenus français avec Girardin. Le mécanisme ne fonctionne que sur l’impôt sur le revenu dû en globalité, et cela suppose une résidence fiscale en France.
Mais alors, faut-il renoncer à Girardin quand on s’expatrie ?
La réponse est nuancée. Car tout dépend de votre situation fiscale au moment de l’investissement, et de votre projet d’expatriation.
Voici deux scénarios fréquents :
- Vous êtes résident fiscal français en année N et vous investissez dans un Girardin industriel. Vous partez à l’étranger en année N+1. Bonne nouvelle : vous pourrez imputer la réduction d’impôt sur vos revenus N, car la défiscalisation s’applique l’année suivante de l’investissement. En clair, si vous êtes résident en N, le tour est (presque) joué.
- Vous êtes non-résident fiscal français au moment de l’investissement. Dans ce cas, même si vous avez des revenus imposables en France, vous ne pourrez pas bénéficier de la réduction Girardin. La porte est fermée, malheureusement.
Ce que l’on retiendra : la temporalité fiscale est essentielle. Il peut donc être stratégiquement pertinent d’anticiper un départ à l’étranger pour profiter d’une dernière défiscalisation avant l’exil fiscal.
Optimiser son départ à l’étranger : les stratégies intelligentes
Pour les investisseurs malins (et bien conseillés), l’expatriation peut être pensée comme une opportunité d’optimiser sa fiscalité sur le long terme. Voici quelques idées à creuser :
- Investir avant de partir : Si vous planifiez de vous expatrier l’année suivante, anticipez en réalisant un investissement Girardin au cours de l’année où vous êtes encore résident fiscal.
- Contrôler ses dates d’expatriation : Il est parfois intéressant de différer son changement de résidence fiscale à l’année suivante, le temps de bénéficier pleinement de ses droits à la défiscalisation.
- Privilégier d’autres solutions de défiscalisation pour les non-résidents : Résider hors de France n’est pas synonyme d’abandon de toute stratégie fiscale : d’autres dispositifs peuvent être mobilisés comme l’assurance-vie luxembourgeoise, le PEA désormais ouvert aux non-résidents (depuis 2019), ou encore certains types d’investissements en immobilier.
Les risques à éviter à tout prix
Il peut être tentant de vouloir rester « officiellement résident fiscal français » pour continuer à défiscaliser, alors que l’on vit en réalité à l’étranger. Mauvaise idée.
Les contrôles fiscaux s’intensifient, et l’administration n’a aucun mal aujourd’hui à repérer les ruptures dans la vie personnelle et professionnelle (adresse postale, inscription consulaire, déclarations de revenus, réseaux sociaux, etc.). En cas de fausse déclaration, vous vous exposez à des redressements, pénalités et intérêts de retard… au minimum.
Le mieux est donc de jouer franc-jeu, et d’adapter sa stratégie patrimoniale en fonction de sa véritable situation fiscale.
Retenir l’essentiel
La loi Girardin peut offrir une réduction d’impôt spectaculaire et immédiate, mais elle reste une arme à double tranchant pour les expatriés. Pour en bénéficier, il faut être résident fiscal français au moment de l’investissement. Les dispositifs Girardin ne peuvent pas être actionnés depuis l’international, car la réduction ne s’applique que sur l’impôt des résidents fiscaux français sur leurs revenus globaux.
Cela dit, une expatriation bien pensée, associée à des investissements réalisés avant le départ, peut permettre de conjuguer défiscalisation aujourd’hui et optimisation patrimoniale demain. Si vous êtes sur le point de plier bagage, il est donc temps de parler stratégie fiscale avec un conseiller.
Et comme toujours en matière d’investissement et de fiscalité, souvenez-vous : une bonne planification vaut mieux qu’une mauvaise surprise.
